La nicotine

Historique de la nicotine

Le savant français Vauquelin fut le premier à observer la nicotine en 1809. Il décela pour la première fois dans le jus de tabac un principe actif basique, volatil, et entraînable à la vapeur. Il faut ensuite attendre jusqu’en 1828 pour que la nicotine soit isolée et purifiée par Posselt et Reimann qui donnèrent le nom de nicotine à la dite substance en l’honneur de Jean Nicot, qui fut au 16e siècle un des premiers à introduire en France le tabac importé des "Indes Occidentales".

En 1843, le savant Melsens établit la formule empirique de la nicotine, soit C10H14N2 et peu de temps après le scientifique Schloesing détermine son poids moléculaire: 162,23 g/mol. Puis, il fallut attendre d’un demie-siècle pour que Pinner élucide la structure de la nicotine parvenant à la formule développée que l’on connaît aujourd’hui.

Comme vous le savez très bien, les effets physiologiques et psychologiques de la nicotine touchent énormément de personnes qui se trouvent en grande majorité à être des fumeurs.

Dans notre recherche, nous essaierons d’éclaircir certains points au sujet de la nicotine contenue dans le tabac. Entre autres, nous parlerons des effets physiologiques du tabagisme et des réactions métaboliques engendrées par cette substance. Aussi, nous verrons les voies d’élimination de la nicotine absorbée, et comment elle peut s'avérer dangereuse pour la santé du fumeur.

D’abord, que contient le tabac? La fumée?

Il faut savoir que la nicotine n'est pas le seul alcaloïde des « nicotianae » (feuilles de tabac), qui contiennent aussi un certain nombre de ses analogues et dérivés. Ces alcaloïdes diffèrent d'un type de tabac à l'autre, ce qui complique l'étude des effets du tabac sur l'organisme. Il ne faut pas négliger le fait qu'en industrie, les différents processus chimiques que subissent les feuilles de tabac en modifient le contenu de façon importante.

À cela s'ajoute le fait que la combustion de la cigarette, du cigare ou de la pipe fait subir aux alcaloïdes une pyrolyse qui les modifie profondément avant même qu'une partie d'entre eux se retrouvent dans la fumée du tabac dont ils proviennent. Cependant, ce processus ne touche les alcaloïdes que dans une très faible proportion. Bref, la nicotine, en soit, n'est pas le seul alcaloïde du tabac.

Or, des études effectuées durant la première moitié du 20e siècle ont révélé que les principaux alcaloïdes du tabac restent la nicotine (95%) , la nornicotine et l'anabasine (tout au plus 5%).

La nicotine prend forme dans les racines de la plante du tabac dès les premiers stades de la germination. On la retrouve ensuite en quantité importante dans les feuilles de certaines plantes du tabac. La teneur en nicotine d'une feuille de tabac varie selon la hauteur de cette dernière. Elle est naturellement influencée par l'insolation, mais aussi par la richesse du sol et l'emploi d'engrais.

Lors du séchage et la fermentation des feuilles, une partie de la nicotine s'oxyde. Selon des chercheurs allemands, ces processus font perdre au tabac environ 10% de sa teneur naturelle en nicotine. Il serait cependant possible, par le biais d'une fermentation forcée ou de processus industriels, de faire perdre à une feuille de tabac 90% de sa teneur originale en nicotine.

Lors du fumage d'une cigarette, l'air extérieur pénètre à chaque bouffée par le bout allumé. La fumée aspirée par la bouche du fumeur durant la bouffée constitue le courant principal; celle formée entre les bouffées s'appelle la fumée secondaire.

La température interne de combustion est d'environ 900°C. À cette température, il se produit un processus complexe, comprenant une distillation et une pyrolyse de nombreux constituants du tabac, ainsi qu'une pyrosynthèse de substances nouvelles. Celle-ci est un aérosol constitué de particules semi-liquides dispersées dans une phase gazeuse. Dans le courant principal, 99.7% de la nicotine se retrouve dans la phase particulaire.

Deux chercheurs, Preiss et Pykiri, ont étudié le taux de transfert de la nicotine dans la fumée. Ceux-ci ont obtenu les proportions suivantes ;

Cependant, ce taux de transfert peut varier, car il est possible d'ajouter des bouts filtres dont les constituants diffèrent. Il est ainsi possible de diminuer la teneur en nicotine de la fumée principale, au profit de la quantité retrouvée dans le mégot.

Dans la fumée secondaire, la nicotine a davantage tendance à se transformer en d'autres bases azotées, qui se retrouvent principalement dans la phase particulaire. Ainsi, on a démontré la formation de nombreuses bases pyridiniques et d'un certain nombre d'hydrocarbures aromatiques ou hétérocycliques, comme le naphtalène et la quinoléine. On a aussi retrouvé des traces de cotinine, dérivé oxygéné de la nicotine, tant dans la fumée principale que secondaire. La cotinine est une molécule très semblable à la nicotine, à l'exception qu'on y retrouve une cétone au carbone adjacent à l'azote du cycle pyrrolidinique.

La nornicotine est aussi un alcaloïde important chez certaines variétés de tabac. Il s'agit en fait de l'homologue inférieur de la nicotine, étant formée par la déméthylation de cette dernière au niveau de la feuille. Lorsque présente en trop grande quantité, la nornicotine est considérée comme un constituant indésirable du tabac, parce qu'elle produit par pyrolyse des quantités élevées de myosmine et de pyridine, donnant à la fumée un goût très désagréable. Or, il faut rappeler que dans les feuilles de tabac aujourd'hui utilisées pour faire des cigarettes, on retrouve au plus 5% de nornicotine. De plus, la nornicotine est très vulnérable à la combustion et à la pyrolyse, puisqu'elle est pratiquement éliminée à 95% lors du fumage. C'est le cycle pyrrolidinique qui permet une transformation si facile de la nornicotine en ses dérivés indésirables.

L'anabasine est un isomère de la nicotine sans chaîne latérale, mais avec deux noyaux hexagonaux. Sa présence dans la fumée est principalement due à la distillation du tabac. On peut aussi trouver de nombreux autres dérivés d'alcaloïdes dans la fumée.

De nombreux autres dérivés de la pyridine s'y retrouvent également. Cette présence peut s'expliquer d'une part, par sa préexistence dans le tabac lui-même et d'autre part, par une fragmentation des alcaloïdes de la série nicotinique. Des expériences de pyrolyse de la nicotine et de la nornicotine montrent la formation de la 3-vinylpyridine, signalée par ailleurs à plusieurs reprises dans la fumée, et de la 3-cyanopyridine, constituant de la fumée qui a aussi l'intérêt d'être le produit de déshydratation du nicotinamide, autre composant du tabac et de sa fumée, ainsi que de l'acide nicotinique, avec lequel le nicotinamide partage les propriétés du facteur antipellagreux, ou vitamine PP. On a aussi retrouvé dans la fumée de nombreux produits de condensation de plusieurs molécules de pyridine entre elles.

De ce qui précède, il en ressort que l'alcaloïde principal du tabac est la nicotine. Toutes les autres substances alcaloïdiques plus ou moins apparentées sont présentes dans la fumée à des concentrations relativement faibles, voire même à l'état de traces, ou ne semblent pas vraiment exercer de rôle pharmacologique ou biochimique majeur. Cependant, il est possible que ces substances participent quand même de façon plus ou moins efficace à l'équilibre de l'arôme de la cigarette. On peut donc comprendre pourquoi les études sur le métabolisme des alcaloïdes du tabac ont été consacrées davantage à la nicotine.

Que se passe-t-il avec la nicotine?
Comment est-elle dégradée, dans l'organisme, suite à avoir été absorbée?

Il sera principalement question du métabolisme complet de la nicotine dans cette partie. Il est fortement recommandé de suivre le schéma suivant tout au long de la lecture, afin d'éviter toute confusion.

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De plus, voici une liste des représentations simplifiées des molécules les plus importantes étant impliquées dans le métabolisme de la nicotine.

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Il faut d'abord savoir qu'entre 90% et 100% de la nicotine absorbée par un fumeur va être métabolisée. L'aptitude à métaboliser la nicotine est vraisemblablement proportionnelle au taux général de métabolisme de la personne visée. On peut donc considérer que cette dernière est totalement métabolisée.

Les chercheurs ont commencé à se poser des questions sur le métabolisme de la nicotine lorsque Werle et Meyer ont remarqué, en 1950, que l'addition de nicotine à une préparation de foie augmente sa production de méthylamine, constituant normal de l'organisme qui s'oxyde facilement en dioxyde de carbone. Cette augmentation de méthylamine peut être attribuable à la rupture du noyau pyrolidinique de la nicotine.

D'autres chercheurs ont par la suite observé que les urines de chiens traités par la nicotine contiennent une substance qui donne une réaction colorée avec le bromure de cyanogène. Or, cette propriété est venue confirmer le fait que le métabolisme de la nicotine amène la formation de l'acide g-(3-pyridyl)-g-aminobutyrique (PAB) et de son dérivé méthylé, l'acide g-(3-pyridyl)-g-méthylaminobutyrique (PMAB); ces produits étant les résultats de l'ouverture du noyau pyrolidinique de la nicotine, ou encore, de la nornicotine. Par perte d'une molécule d'eau, ces deux acides sont susceptibles de se cycliser en donnant une lactame, la déméthylcotinine et la cotinine.

La cotinine est considérée comme étant l'une des métabolites de la nicotine. Elle a été isolée en 1957 des urines d'un chien anesthésié soumis à une perfusion intraveineuse lente de nicotine. La transformation de l'acide PMAB en cotinine est une réaction réversible, avec un DG légèrement négatif, la cotinine étant plus stable.

En effet, plusieurs études ont suggéré que la nicotine se transforme d'abord en cotinine. Cette dernière apparaît soit directement, sous l'effet d'une peroxyde-catalase, soit par l'intermédiaire de la réaction évoquée précédemment avec le PMAB. Elle est aussi impliquée dans une réaction réversible de type oxydoréduction qui donne l'hydroxycotinine.

Au stade suivant, il se produit une déméthylation de la cotinine en déméthylcotinine, qui fournit, par une réaction réversible, le PAB, l'analogue du PMAB. Ensuite, il y a ouverture du noyau pyrrolidone, combinée avec un processus de désamination, qui donne l'acide g-(3-pyridyl)-g-oxobutyrique (POB), qui est automatiquement réduit en acide hydroxybutyrique. Par b-Oxydation, on aboutit finalement à l'acide (3-pyridil) acétique.

La cotinine constitue le métabolite principal de la nicotine. Cependant, les rapports quantitatifs entre ses divers produits de dégradation varient énormément d'une espèce animale à l'autre et, à plus forte raison, de l'animal à l'homme. De plus, ces mêmes rapports ne sont pas les mêmes d'un humain à l'autre, ce qui laisse croire qu'il existe au moins une autre façon de métaboliser la nicotine chez les humains. Effectivement, il semblerait y avoir deux classes de fumeurs, selon un chercheur nommé Gorrod; ceux qui métabolisent la nicotine par le biais d'une C-Oxydation et qui obtiennent la cotinine comme principal métabolite et ceux qui le font par N-Oxydation, sur l'azote, et qui excrètent du Nicotine-N-Oxyde, un autre produit de dégradation.

De plus, les systèmes enzymatiques qui oxydent la nicotine « in vitro » sont stéréospécifiques. Ainsi, les foies de cobaye et de lapin forment les deux isomères en quantités à peu près égales, alors que les foies de souris et hamsters synthétisent surtout l'isomère gauche. On a identifié les deux stéréoisomères dans les urines de fumeurs, à parts égales.

D'autres chercheurs ont trouver dans les urines de rats ou de chiens traités par la nicotine une substance volatile qu'ils considèrent comme de la nicotyrine. Le rôle intermédiaire de cette métabolite est cependant mis en doute, sa formation ne débouchant sur aucune autre transformation métabolique, le rôle principal restant ainsi dévolu à la cotinine.

En utilisant de la nicotine marquée au carbone 14, des chercheurs américains ont retrouvé dans les urines environ 14% de la dose de nicotine administrée par voie intraveineuse au chien anesthésié transformés en dérivés d'ammonium quaternaire, tels que l'iodure d'isométhylnicotinium. La formation de tels dérivés d'ammonium quaternaire paraît liée à la forte activité coenzymatique de divers analogues de diphosphopyridine nucléotides (DPN).

La nicotine stimulerait ainsi la biosynthèse de DPN.

D'autres chercheurs ont conclu que la nicotine, l'acide (3-pyridyl) acétique et la pyridine peuvent fonctionner comme accepteurs de groupements méthyles. C'est précisément par des processus de transméthylation, que le métabolisme de la nicotine s'enchevêtre avec celui de la nornicotine.

Or, les travaux concernant le devenir des alcaloïdes de la fumée dans l'organisme, et tout particulièrement celui de la nicotine qui reste bien l'alcaloïde majeur, montrent donc qu'il existe plusieurs voies complexes de dégradation. Par exemple, on constate des différences d'aptitude à les métaboliser, selon les espèces, ou même selon les individus. Quoiqu'il en soit, il est probable que la plupart des métabolites retrouvés à l'état de trace n'aient aucune importance, tant au niveau du système nerveux central que de la physiologie humaine. On constate donc que c'est essentiellement la nicotine qui a des effets sur le corps humain.

Or, qu'en est-il des effets physiologiques de la nicotine?
En quoi est-ce que la nicotine peut s'avérer dangereuse pour l'organisme?

La nicotine et ses métabolites peuvent être très dangereux pour l'organisme. En effet, la nicotine constitue l'un des plus puissants carcinogènes de la cigarette. Comment est-ce que cette dernière peut entraîner le développement d'une tumeur?

En fait, on a vu précédemment que la plupart des réactions métaboliques impliquant la nicotine sont des réactions d'oxydation ou d'ouverture du cycle « pyrrole »; qui correspond à la partie non aromatique de la nicotine. Or, il ne faut pas négliger la présence du groupement méthyle sur ce cycle pyrrole. Ce groupement méthyle, s'il est détaché de la molécule, devient un agent alkylant puissant, agissant par protonation.

Or, la fonction amine de la nicotine est tertiaire. Elle peut donc réagir avec du monoxyde d'azote, ou encore, de l'acide nitreux, pour former une molécule de type « nitrosonium ». Les « nitrosonium » peuvent, tout comme la nicotine, être métabolisés, c'est à dire oxydés et ouverts.

Comme il s'agit d'un cycle, le cycle peut être ouvert de deux façons, et il y a, forcément, deux résultats possibles; deux isomères de structure. Les deux isomères ainsi formés sont des molécules de type « nitrosamino » (R² – N – N = O), où, forcément, l'un des groupements R correspond à un méthyle. La réaction se produit de la façon suivante :

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Or, en présence d'acide, l'oxygène du « nitrosamino » est attaqué par l'hydrogène, ce qui engendre le déplacement de la liaison double sur l'azote central, celui devenant ainsi chargé positivement. La molécule ainsi formée se comporte comme une source de méthyle. Il est donc fortement probable qu'il y ait attaque d'une autre amine sur le méthyle du « nitrosamino », permettant ainsi à l'azote central de se libérer de sa charge positive. Or, que se passe-t-il, si l'amine attaquant le nitrosamino fait partie de la structure d'une base azotée de l'ADN? Il se produit une alkylation irréversible de l'ADN; c'est à dire, mutation de l'ADN, tel qu'il est montré sur le schéma suivant :

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Cette alkylation est très nocive, et s'avère cancérigène, puisqu'elle entrave le développement normal de la cellule. Advenant le cas où l'alkylation se produit sur une partie de l'ADN impliquée dans la transcription d'un oncogène, le développement d'un cancer est assuré.

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, les tumeurs ainsi formées ne touchent pas toujours les poumons, mais surtout le foie ou le pancréas, parce qu'il s'agit de réactions qui sont normalement formées là où il y a métabolisme de la nicotine.

La nicotine, en soi, n'est pas nocive, mais les différents processus métaboliques qu'utilise l'organisme contribue à rendre cette dernière cancérigène. Cette théorie sur la cancérigénocité de la nicotine est récente. Les études ont, à venir jusqu'à maintenant, surtout porté sur le potentiel cancérigène des nombreuses autres substances nocives présentes dans les produits du tabac. On trouve parmi ces substances des noms aussi effrayants que le cadmium, un agent normalement utilisé pour faire des piles, le nickel, métal utilisé comme catalyseur chimique en chimie organique, et même, dans certains cas, des isotopes radioactifs.


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